Église Protestante Unie
Vienne - Roussillon - St-Vallier
Conférence sur la Palestine 1
Denis Costil a passé 3 mois en Palestine, envoyé par le Conseil Œcuménique des Eglises.
Le 1er décembre 2013, il est venu dans notre paroisse pour témoigner de ce qu'il a vécu.
PRESENTATION journée paroisse Vienne 1/12/2013
Bonjour,
Je m’appelle Denis Costil, et j’ai été envoyé en Palestine-Israël par le Conseil œcuménique des Eglises à Genève, au nom de, et soutenu par l’Eglise protestante unie - en particulier par ma communauté d’Oullins - la Mission populaire et le Foyer de la Duchère, d’avril à juillet dernier.
Il y a tant de choses à dire !
Mais nous n’avons que peu de temps, il me faut me restreindre : dans ma 1ere intervention, j’ai parlé pendant plus de 2 heures…
Donc cet après-midi, pour laisser du temps au débat, je présenterai un témoignage, puis je dirai quelques mots sur la Palestine : géographie, population, histoire. Enfin je terminerai par un autre témoignage. Ces témoignages sont assez représentatifs de ce que j’ai perçu de la situation.
Mais auparavant, juste quelques mots sur l’organisme qui m’a envoyé.
En 2002, répondant à une demande pressante des Eglises de Palestine Israël, le Conseil Œcuménique des Eglises à Genève a créé le « programme d’accompagnement œcuménique en Palestine et Israël », nommé EAPPI en anglais.
Ce programme en faveur de la réconciliation, d’une paix juste et durable dans la justice, a démarré dès 2003. J’ai fait partie de la 48eme génération d’accompagnant, soit plus de 1000 envoyés depuis le début ! Ces volontaires, viennent pour 3 mois, c’est la durée maximum d’un visa tourisme. Ils sont répartis en 7 équipes dispersées du nord au sud de la Cisjordanie. J’étais moi-même dans l’équipe de Jérusalem Est (la partie « palestinienne » de la ville). Dans cette équipe, 6 personnes venant de Colombie, Finlande, France, Irlande, Philippines et Suède.
Pour quoi faire ? Dans ce contexte de l’occupation de la Cisjordanie par Israël, on peut résumer en 4 missions :
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nous étions chargés d’assurer une présence protectrice auprès des habitants : contrôle aux check-points, surveillance d’écoliers allant à l’école ou surveillance de manifestations religieuses musulmanes ou chrétiennes, accompagnement de bergers, aide aux familles dont la maison a été démolie ou qui ont été expropriées, ou dont un membre a été arrêté…
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nous devions consigner les atteintes aux droits de la personne que nous avions observées et les rapporter aux agences internationales (ONU, UNICEF, Croix-Rouge internationale par exemple)
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nous avions aussi à accompagner le travail non-violent d’associations non-violentes de palestiniens et/ou israéliens oeuvrant pour une paix juste et durable : par exemple les manifestations des « femmes en noir », des habitants du quartier de Sheik Jarrah, de familles de prisonniers….
Et nous nous sommes engagés, revenus chez nous, à faire connaitre notre expérience, et à militer pour une paix juste fondée sur le respect du droit international – en particulier du droit international humanitaire qui assure la protection des populations civiles dans les conflits armés.ce que je fais aujourd’hui.
Tout cela ne nous laissait pas trop de temps !
Hier, je suis parti de Jérusalem dans l’après-midi, vers le nord de la Cisjordanie. Je visite l’équipe EAPPI en place à yanoun, un petit village ou ne restent plus qu’une dizaine de familles, entouré sur les hauteurs des collines par les colonies israéliennes. Il fait un temps merveilleux, cette campagne est paisible après l’agitation de Jérusalem !
Ce matin j’ai accompagné Thérèse, pour visiter le village d’Awarta, Nous rencontrons Mohamad K. En chemise verte et pantalon à pli, il est le correspondant local de l’équipe et nous accueille … en offrant le café, qui sera suivi d’une citronnade, de délicieuses pêches et de thé !
Il expose les problèmes récents : des arrestations de palestiniens, et personne ne sait ce qu’ils sont devenus. L’un a perdu la vue en ramassant un « objet », nous dit-on, qui lui a éclaté entre les mains - comme vous en voyez sur la photo, ce sont des grenades lacrymogènes ou assourdissantes - il y a deux mois et arrêté il y a quelques jours, il a besoin de soins quotidiens et de médicaments …, un autre a été emmené au poste par son père après que l’armée et la police soit rentrée silencieusement jusque dans sa chambre à coucher en pleine nuit « Comment ? » « Chut », dit un soldat…Est-ce par crainte du harcèlement, ou parce qu’il sait ce qui va arriver s’il n’obéit pas ou parce qu’il pense son fils innocent ?, on nous dit : «il a amené son fils au poste, et depuis plus aucune nouvelle, cela s’est passé il y a trois jours. Ni la Croix-Rouge, ni l’OCHA (département humanitaire de l’ONU) ne peuvent nous dire où se trouvent ces personnes arrêtées. On craint que ces jeunes hommes n’aient été torturés pour soi-disant confesser leur culpabilité».
Deux autres arrestations sont évoquées.
De nombreux téléphone plus tard, nous pouvons donner
aux familles les indications pour contacter une association israélienne, «HaMoked1 » qui va pouvoir les renseigner.
Visite au maire de Quaryut : une centaine d’oliviers appartenant à plusieurs fermiers ont été coupés, et il faut détailler à qui ils appartenaient pour distribuer la compensation des organismes internationaux : nous y passons un temps fou.
Autre problème de ce maire : un moteur permettant l’irrigation de champs ne fonctionnant plus, l’Espagne a payé des panneaux solaires pour faire fonctionner la pompe. Mais des colons, nous dit-on, sont descendus de leur colonie et ont démoli le local en construction pour abriter cette nouvelle installation…ils sont même restés sur place pour voir la tête des ouvriers venu le matin pour continuer leur construction…
Voila ma matinée ce jour la … et je n’ai rien inventé, j’ai plutôt fait court !
Retour à Yanoun.
Dans l’après-midi, 3 colons israéliens s’arrêtent au village près de l’abreuvoir… tous les enfants sont rentrés précipitamment dans les maisons. Les trois portent une arme de guerre grande comme ça. Nous discutons avec celui qui parle anglais ; l’un des autres, l’œil mauvais, observe, assez méchamment, chacun en silence. Arrive une femme de Marsom Watch, une autre association israélienne. Elle parle avec les colons en hébreu. Je saurai plus tard ce qu’ils ont dit : « nous sommes venus pour voir les villageois » –«avec de telles armes !» répond la militante ; « nous nous sommes arrêtés pour boire » – «vous pourriez demander la permission aux villageois», répond-elle… Après une discussion sur la démocratie, ils repartent… «Ne la croyez pas, elle ment !» crient-ils depuis leur véhicule…
Que se serait-il passé si nous n’avions pas été là ? Il y a quelques années, après un harcèlement continuel, toutes les familles étaient parties de ce village stratégique…et c’est l’Europe qui a aménagé une maison pour qu’une équipe d’internationaux vive en permanence ici. . Condition pour que les villageois puissent vivre chez eux. C’est EAPPI qui a été choisie.
A la suite de cet incident, Norman m’emmène comme l’équipe en a l’habitude, faire un tour habituel au hameau Yanoun d’en-bas, puis sur la route n° 505, qui a été rouverte il y a quelques mois à grand renfort de TV parait-il, après des années d’interdiction de circuler - sauf pour les israéliens, bien entendu…
Au retour, arrêt d’un 1er véhicule. L’énorme fusil d’assaut a coté du conducteur marque qu’il est un colon rentrant chez lui, mais ne parlant pas anglais, il téléphone, et repart. Un second véhicule s’arrête, conduit par un jeune colon pas l’air content du tout du tout. Il nous intime l’ordre de ne pas bouger et repart après un coup de téléphone. Nous continuons notre marche, quittons la route 505 et prenons un petit chemin, et quelques minutes plus tard, c’est un énorme «Humer» (ces jeeps modernes des Américains) qui s’arrête ; trois soldats en descendent. Après nos explications, ils semblent vouloir s’en aller quand surgissent 2 colons, dont l’un a l’air furieux. Et pour la 1ère fois de ma vie, je vois des militaires obéir à des jeunes civils - pas très civilisés ! A la suite de leur discussion, le soldat traduit ce que dit son chef : «Vous ne devez plus venir sur cette route 505, au-delà du croisement, un peu plus loin… et interdiction de sortir du chemin… Quand Norman parle de zones A, B, C, - nous verrons plus tard ce que ça signifie - la réponse est cinglante : «A, B ou C n’a aucune importance, vous ne devez pas aller plus loin. Point !».
Ouf, quelle journée ! Assez symbolique : Arrestations sans informations, actes malveillants et intimidation des villageois palestiniens par les colons, qui petit à petit grignotent la terre en interdisant d’y pénétrer, (Diapo 12 troupeaux) soutenu par l’armée, qui est chargée de défendre les israéliens, au nom de la sécurité.
Ainsi, Petit à petit, les colons imposent aux villageois des bandes de terrains de pâture de plus en plus restreintes… jusqu’au jour où le nombre de bêtes ne suffira plus du tout à nourrir les familles encore sur place. Ou bien jusqu’au jour où les fermiers ne résisteront plus à ce harcèlement. (Diapo 13 troupeaux) Et alors… ? Les colons auront gagné, les Palestiniens devront partir, les terres seront confisquées et données à des Israéliens. C’est l’une des explications de l’évolution de la Cisjordanie.
Mais aussi, pas seulement symboliques sont les interventions d’israéliens ou israéliennes qui militent contre l’occupation et pour la paix…Mais aussi, partout, accueil des habitants – partout on t’offre le café et quelque fois bien davantage…